Il est difficile de dresser un portait unique et fidèle de ces premiers montagnards car le peuplement des Alpes s’avère complexe. Géographiquement, les saillies du haut Rhône au niveau de la cluse de Yenne (Savoie) et celle de l’Isère à Moirans dans le sillon rhodanien, rendent accessible à partir de la vallée du Rhône, le sillon alpin et les Alpes Internes. Ainsi l’Isère, l’Ain et la Savoie se côtoient autour de carrefours de circulation traversés de multiples influences culturelles (cortaillod, bourguignon, piémontais et méditerranéens). Excepter le maxillaire néandertalien de la grotte de Cottencher dans le Jura Suisse, il faut attendre la fin des temps glaciaires pour rencontrer les vestiges osseux d’une humanité vivant dans les Alpes du nord. Pourtant, la montagne est d’une grande richesse, tant en matières premières, qu’en gibiers, en lacs, en alpages, en zones fertiles, en grottes et abris. De multiple raisons ont poussé les hommes vers ces massifs, mais la conservation des traces de leurs passages fait souvent défaut. Le tardiglaciaire alpin ne déroge pas à cette règle et seules quelques sépultures simples nous sont parvenues, en Bugey (Les Hoteaux, Sous balme) et dans la cluse de Yenne (la Grotte des Romains et la Grande Gave) en Vercors (la Grotte Joëlle). En Chartreuse, les quelques restes exhumés à la Grotte Jean-Pierre 1 et sur le site de la Fru, ne sortent pas de contextes sépulcraux avérés. En Isère, E. Chantre, et notamment H. Müller sont à l’origine de nombreuses découvertes au XIXe siècle finissant et au XXe siècle débutant, comme en témoignent les sites des grottes Bethenas (1864), de Fontabert (1894) et de Barne Bigou (1881) et de la Balme de Glos (1904). Quelques sites sont venus allonger la liste des sites funéraires le Sciallet des Vouillants (1957), les Râcles (1960) et la Grotte Comboire (1978). Aujourd’hui, sur les 78 sites funéraires signalés en Dauphiné, tous ou presque sont absents des synthèses et restent encore méconnus anthropologiquement.
Le projet collectif de recherche Paléoalpins s’est donné comme objectif de mettre en valeur ce patrimoine anthropologique, de procéder dans un premier temps à l’inventaire contextualisé et critique des restes humains et du mobiliers associés, d’évaluer les potentiels scientifiques et archéologiques des sites encore existant, de constituer une base de données d’anthropologie physique classique (160 mesures) et si possible 3D (crânes et bassins). Une étude populationnelle et diachronique du Néolithique moyen à l’Âge du bronze final portera dans un premiers temps sur une vingtaine de sites dans un périmètre géographique restreins. Cela permet de constituer une grille d’approche des facteurs mésologiques, et dans un même environnement, cerner les influences bio-culturelles et sociales, sur la croissance, les rapports hommes/femmes et sur la variabilité et la diversité des populations.
Les premières observations montrent que les rites peuvent être très variables de part et d’autre d’un fleuve comme c’est le cas au Néolithique moyen pour le Locus III de la Grotte de la Balme en Isère et de la grotte de Souhaits dans l’Ain, ou parfois très similaire sur un grand espace géographique au Néolithique final pour la Grotte Comboire en Isère, de la grotte du Chatelard, des Sarradins en Savoie. Alternativement des sépultures collectives avec recrutement sexuel font place à des sépultures collectives sans recrutement sexuel, et ou les rites et les aménagements sont très variés. Les femmes et surtout les enfants ont un statu souvent distinct. Ces derniers sont fréquemment absents des effectifs. D’un point de vue morphologique, il y a du Néolithique moyen au Bronze final une augmentation de la taille et de la robustesse loin d’une gracilisation. Ainsi à l’ombre des menhirs, à proximité des pierres à cupules, ou à la fraicheur des grottes sépulcrales, les défunts sont réunis en nécropoles. Les différences de traitement des corps et la présence de biens de prestiges reflètent les différences de pratiques funéraires et de hiérarchie sociale. Le recrutement des défunts montre combien la biologie et les rapports entre les hommes sont affaires de cultures et de sociétés.