Libre penseur – libre culture (scientifique)

Pour un retour à l’esprit critique

Non, la curiosité n’est pas un vilain défaut. Seulement aujourd’hui, elle est peut être noyée dans un océan d’informations, souvent non vérifiées, aux courants et flux divers. La communication est importante, s’exprimer est fondamental, mais lire tout et rien à la fois sans que ces articles dévoilent leurs références peut être dangereux et contre productif. Alors la curiosité serait-elle dangereuse ? Non bien sûr, si elle s’accompagne de rigueur et de discipline. Ce sont des mots difficiles à entendre aujourd’hui, mais avant de manger un yaourt, nous regardons bien la date de péremption !

Les origines de l’homme, la préhistoire, la paléontologie, la géologie, la primatologie, l’ethnologie, l’éthologie sont des sujets passionnants, à tel point que j’ai par chance trouvé un métier à l’interface de toutes ces disciplines. Aujourd’hui, je suis effaré de voir comment sont traités ces sujets, les découvertes, la vulgarisation et la recherche fondamentale en général. Il ne faut pas forcément de grade universitaire pour pouvoir parler, discuter, commenter ces informations, ces découvertes. Il faut s’emparer des questions vives.

Pour autant, peut-on accepter que sous prétexte de quelques passe-droits (ceux qui savent), certains docteurs, nutritionnistes peu scrupuleux prennent l’homme préhistorique comme référent pour un régime alimentaire carné ? D’autres, discutant des longueurs de tubes digestifs, placent l’homme parmi les végétariens : bête à manger du foin ! On ne va pas plus loin pour justifier son modèle alimentaire.

Peut-on accepter qu’un universitaire ayant trouvé un nouveau fossile chamboule toutes nos connaissances ? Par exemple, il pourrait annoncer que les origines de l’homme moderne sont en Asie… Dans son discours, s’il n’y a pas de référence aux fossiles de la même espèce plus anciens, présents en Afrique, est-ce honnête ? Il faut publier ou périr ! Qu’un fossile apparaisse dans notre arbre phylétique et fasse partie de notre famille, à un moment où nous ne l’attendons pas, c’est déjà en soit très excitant. Il faudrait poser les bonnes questions et expliquer par quelles hypothèses nous pouvons alors comprendre cette présence. Un fossile est un fait et une fête.

Peut-on accepter qu’un journaliste, pour attirer le chaland, surenchérisse sur les nouvelles découvertes ? Le scoop est le Graal. Les titres sont souvent plus vrais que nature. Là encore, il n’y a aucune pédagogie envers le lecteur et pas de synthèse ou de remise en question de ces découvertes,  surtout quand c’est complexe ou que ça touche l’ADN fossile. L’ADN peut mentir aussi, cela s’appelle pollution et marge d’erreur…

Peut-on accepter qu’un enseignant regroupant des informations et les mettant à disposition  de ses collègues de la discipline, pille des articles scientifiques, construise lui-même des diagrammes sans respecter les écoles de pensées ni les sources bibliographiques ? Il y a pire, il peut tout mélanger et le paléontologue n’y retrouvera pas ses os ! Et le plus grand drame c’est que cela se retrouve sur le serveur de quelque académie et de l’Education Nationale. Pas de moyen de vérification, ni même de retrouver les sources qui ont conduit son travail. Le  b.a.-ba  que l’on enseigne à un étudiant, c’est d’avoir le respect de son lecteur.

Toute information doit avoir une traçabilité, un auteur, une source. Nous ne voudrions pas de viande sans connaître son origine, ou que tel biscuit contienne de l’huile de palme ou encore pire des OGM. Ce que je ne veux pas pour mon alimentation, je ne le veux pas pour mes lectures. C’est perdre du temps…

Pour un archéologue comme pour un antiquaire, une pièce n’a de valeur que si elle est authentique. Cette authenticité, c’est le cortège d’informations qui garantit sa provenance, son âge, sa culture, etc… Toutes ces informations scientifiques permettent de mieux comprendre la nature et la rareté de l’objet. Sinon c’est de l’art pour l’art et cela n’a pas de sens. Aborder des connaissances scientifiques n’implique pas laisser son esprit critique en fond de cale, l’imaginaire aussi participe à concevoir les frontières du monde connu, et la curiosité nous permet parfois de les dépasser.

Anthropopage se propose de régulièrement revenir sur l’actualité scientifique en lien avec l’évolution de l’homme, sa préhistoire, ses origines primates, ses comportements. L’objectif étant de faire le point sur une question et de donner des pistes de recherches comme de réflexions aux curieux.

Anthropopage est un lieu virtuel de ressources, un laboratoire libre d’anthropologie.

Restituer le contexte, apporter des références, suivre le sillage, les traces et les indices que les préhistoriens, anthropologues, primatologues, ethnologues utilisent. Il faut se les approprier, les faire siens, faire vivre les passions. Alors, à l’abordage…

A propos Jean-Jacques Millet

Chercheur libre et associé Chargé de cours Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris Université Joseph Fourier, Grenoble Membre Société Francophone De Primatologie Membre Société Anthropologie de Paris Membre Association Valorisation Diffusion Préhistoire Alpine
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