La question pourrait uniquement porter sur le fait que les premiers hommes auraient ajouté de la viande à leur plateau repas. Est-ce un évènement majeur de notre évolution ? Quelles sont les répercussions de ce changement de comportement alimentaire ?
C’est une nouvelle question importante, car bien souvent l’attribution du régime alimentaire de nos ancêtres sert de justification à des pratiques alimentaires actuelles. Une image simpliste, naïve voire complètement erronée est souvent proposée à dessein. Elle est censée apporter une justification pour des régimes alimentaires de type paléo, acide-base, végétarien voire même carnivore (de M. Sisson à F. Couplan). De nombreuses observations tendraient à montrer que le régime alimentaire des australopithèques jusqu’à l’homme en passant même par les paranthropes était omnivore. Les nuances portent sur la fréquence de la présence de l’aliment carné dans l’alimentation de ces espèces.
Autour de 3 à 2 Millions d’années, sur de nombreux sites d’Afrique de l’est et du sud, des traces de consommation de viande ont été signalées (sur des gazelles, des hippopotames, des éléphants). Il est fréquent que ces observations soient attribuées à ces premiers hommes fossiles. Conjointement à ces résultats et contrairement aux australopithèques, et aux paranthropes surtout, les premiers hommes affichent alors une tendance vers des dents réduites et petites, une augmentation du volume cérébral en dépit des proportions corporelles, et pour finir une constante utilisation d’artéfacts lithiques ou outils (bien que ce ne soit pas les seuls à utiliser des outils, on reviendra sur ce point ultérieurement). La concordance de ces différents faits pose question. Cela pourrait laisser supposer que le trio viande, outils, volume cérébral soit lié. Et en effet, l’augmentation de protéines dans l’alimentation aurait favorisé le développement du système nerveux central (cerveau), de la taille (corporel) et pourquoi pas aussi des outils…
Alors ! L’émergence du genre humain serait donc attachée à cette modification de comportement alimentaire. Ce que l’organisme mange modifie en permanence la faune et la flore de son tube digestif, à fortiori sa longueur d’un point de vue évolutif. Ce choix alimentaire se poursuivant implique une modification de sa physiologie. Ce n’est ni plus ni moins qu’une reformulation en profondeur de la biologie de l’espèce. En définitive, c’est toute l’écologie de cette espèce qui s’en trouve modifiée. Une nouvelle niche écologique où de consommateurs occasionnels, les hommes deviennent des prédateurs potentiels, si ce n’est des charognards. Ce dernier point demanderait à être éclairci, car encore aujourd’hui aucun primate mangeur de viande (babouins ou chimpanzés) ne se délecte de viande pas fraîche (voir Stanford, Boesh et Boesch-Achermenn). Il y a une marge entre cette écologie nouvelle que nous décrivons et celle de la hyène. ?
Dès lors, nous pouvons supposer que l’émancipation du milieu végétal a demandé aux hommes de se déplacer rapidement sur un plus grand territoire, de pouvoir coloniser d’autres espaces géographiques. Point de départ des longues migrations répétées que nous connaissons. Nonobstant, le végétal durant ces périodes préhistoriques, et cela en fonction des climats, est resté un complément alimentaire important, même chez Neandertal. Les hommes sont restés omnivores, malgré tout. C’est l’univers des possibles alimentaires qui a été étendu, apportant une plus grande plasticité adaptative à notre espèce d’où les diverses écologies que nous occupons aujourd’hui.
Références :
Régime alimentaire d’aujourd’hui en question…
- Couplan, 2008, la nature nous sauvera.
- Sisson : 2012 Le modèle paléo
Alimentation préhistorique…
Brigitte et Gilles Delluc, 2000, La nutrition préhistorique.
Marylène Patou-Mathis, 2009, Mangeurs de viande
Pour plus d’informations sur les régimes alimentaires et les comportements de subsistance voir les travaux d’archéozoologues tels que Christophe Griggo, Ingrid Gay (chasseur de marmotte)…
En primatologie, voir :
- Stanford, 2011, Biological anthropology
- Boesh et H. Boesch-Achermann, 2000, The chimpanzees of the taï forest