Depuis longtemps l’homme moderne a perçue son image comme la marque de la finalité ultime du vivant ou même de l’évolution. Homo sapiens porte plusieurs noms pseudo-scientifiques comme des médailles épinglées sur la poitrine d’un général, à la suite de celui de la classification de Liné (1758) (homme sage et pensant), il y a L’Homo faber (l’homme fabriquant), l’Homo technologicus (l’homme technologique), l’Homo loquens (l’homme parlant) et plus sobrement les hommes modernes. Et aujourd’hui des milliards d’hommes n’en finissent plus de s’observer, de se caractériser, de se définir, de se singulariser par rapport au monde qui les environne. Malgré tout cela, nous ne sommes pas à l’abri aussi de préjugés.
Homo sapiens, est une espèce à multiple facettes, sans visage, c’est vous et c’est moi. Ce sont aussi ces hommes qui peuplaient ces contrées lointaines à nos mémoires ou courraient les rennes, les mastodons, les moas et parfois d’autres hommes comme les néandertaliens* et autres denisoviens*. Pourtant l’homme moderne est le seul à avoir été affublé de tous ces sobriquets latins. Homo sapiens s’est vu paré de toutes les qualités et les vertus. Il est devenu l’homme sage contre l’homme singe, le créateur de la culture contre la nature, la valeur morale contre l’animal. En bref, l’homme moderne porté aux nues, n’est plus le singe nu, et paré de tous ces atours, il va être difficile de l’effeuiller (définir) objectivement.
Historiquement, c’est en 1874, à Eysies-les-Tayac, que 5 sépultures d’hommes modernes fossiles furent découvertes dans la grotte (cro) de Monsieur Magnon. L’homme de Cro-Magnon, est né (soit, 18 ans après la découverte de L’homme de Néandertal). Il n’est visiblement pas originaire du continent Européen ni même de l’Asie. Emigré de longue date, ses origines sont africaines. Les premiers fossiles datent de 220 000 ans, en Ethiopie. Il est chasseurs-cueilleurs et nomades.
Les premiers jalons sortent de terre vers – 220 000 ans (voire 250 000 ans) et en quelques 50 000 ans, la population naissante des hommes modernes va couvrir le continent africain, du Nord au Sud (Klasies river) et d’Est (Herto) en Ouest. Les savanes de la péninsule arabique sont devenues accessibles, et c’est dans cette direction que les premiers pas de leurs grandes migrations vont être fait. Cette région est déjà parcourue de quelques néandertaliens vers 145 000 ans. Ils vont partager ce territoire et probablement quelques gènes au cours de rares aventures amoureuses. Poussant toujours plus en avant, les hommes modernes sont très tôt en Chine vers 110 000 ans et atteignent l’Australie vers 60 000 ans, non sans rencontrer quelques denisoviens… Par contre l’Europe fortement englacer, dont l’approche est malaisée ne sera pas accessible avant – 50 000 ans. Il y a plusieurs voies pour l’Europe encore néandertalienne, par le Danube et les plaines du nord ou par le bord méditerranéen. Les Cro-Magnons, installés dans le Vercors d’il y a 35 000 ans, ou à la grotte Chauvet (Ardèche) par exemple sont d’influences méridionales. Complétement à l’Est, le détroit de Béring va être franchit, suivant les hypothèses entre 35 000 ou 17 000 ans. A ce moment-là, les hommes modernes ont pieds sur les cinq continents.
Les chasseurs-cueilleurs, nomades du paléolithique moyen, sont grands et athlétiques, mesurant facilement plus de 1,75m pour les hommes et 1,65m pour les femmes. Le volume cérébral de l’homme de Cro-Magnon est proche de 1740cm3. Une icône pour les eugénistes. Ce portrait change radicalement au Néolithique ou suivant les endroits, les hommes peuvent avoir une taille plus modeste, en Europe par exemple ils mesurent à peine plus de 1,50m, et 1,40m pour les femmes, pour moins de 1350cm3 de volume cérébrales. Pour être objectif, il faudrait ajouter que les premiers représentants africains avaient un volume cérébral de 1400 cm3. Le volume cérébral est très variable suivant les époques et le régime alimentaire. Les plus carnivores ont la grosse tête.
L’homme moderne a plusieurs visages, mais dans l’ensemble son crâne est globuleux. Le front est haut, sans bourrelet au-dessus des yeux. La face est droite sous le front avec des pommettes saillantes. L’ouverture nasale est fine, l’arrête est saillante. La mandibule arbore un véritable menton. Il est présenté souvent barbus et blond avec peut-être une peau brune, il est difficiles de le confirmer vraiment. La silhouette est fine, élancée, athlétique. La poitrine est large. Bras et jambes sont longs. C’est un coureur de savanes, endurant, tenace et décidé.
Durant 95% de notre histoire, les hommes modernes ont été chasseurs-cueilleurs et nomades. Grands amateurs de viande au paléolithique, comme au magdalénien, ils ont toujours eu un apport conséquent de végétaux dans leurs alimentations. Ils exploitent surtout toute leur écologie. Les chasseurs sont armés de sagaies avec de propulseurs en milieux ouverts, ou d’arc et flèches en milieux forestier. Les collecteurs ont des sacs, des poches en peaux ou des vanneries. Il faut noter qu’avant le Néolithique, les hommes avaient très peu de carries dentaires. L’espérance de vie pouvait dépasser les 50 ans, âge vénérable qu’un nombre croissant de femmes et d’hommes sages ont atteint. C’est une des particularités des hommes modernes. Suivant une hypothèse les séniors avait une fonction importante dans la cohésion du groupe et surtout dans la conservation des savoirs. Le groupe social était complexe, de taille variable, regroupant notamment plusieurs foyers ou familles. L’habitat est organisé avec plusieurs aires domestiques en plus des espaces de vie familiale ou de foyers.
En fait, le groupe social des hommes modernes devait déjà être organisé en clan avec un chef, une hiérarchie bien marqué, même si toutefois le groupe pouvait être de tendance égalitaire. Cela pourrait expliquer le faste de certaine sépulture, comme à Saint-Germain-la-rivière en gironde. Ils pouvaient être anthropophage à leurs heures, comme l’on montré plusieurs sites, les aurignaciens de la Grotte des Rois (Charentes) et les néolithiques de la grotte du Gardon (Ain). La complexité des hommes ne fait que de s’accroitre.
Artiste et artisan, les hommes de Cro-Magnon sont des producteurs d’outils et de cultures, maître du débitage dans le volume des rognons de silex, ils ont portés les techniques jusqu’à leurs paroxysmes, des feuilles da lauriers du solutréen jusqu’aux armatures composites de la balistique néolithique. Il faut ajouter à cela les pratiques artistiques, celle du chamanisme et les pratiques religieuses. Les religions pour certains sont à l’origine des sociétés, nées d’un mythe errant, hommes courageux qui ont conquis ou colonisés des territoires. Ils ont ainsi suivant les légendes fondés des peuples taillés dans une ébène dont l’origine est africaine.
Quelques références :
- Gould S. J., 1997 (1981), La mal-mesure de l’homme.
- Gould S. J., 1996, L’éventail du vivant.
- Stringer C., 2014, Survivants, pourquoi sommes-nous les seuls humains sur la terre.
- Cyrulnik B, (Sous la Dir), 2005, Homo sapiens
- Hublin J-J. et B. Seytre, 2008, Quand d’autres hommes peuplaient la terre.
- Guilhard-Costa et al (sous la Dir), 2007, L’homme et sa diversité, perspectives et enjeux de l’anthropologie.
PS : comme le sujet est difficile à traiter en deux ou trois petites pages, nous allons tenter de mieux le définir en entamant une réflexion basée sur une série de questions, 39 aujourd’hui, mais le nombre pourrait croitre… Les 39 marches de l’humanité…
Chaque question rentrera dans une rubrique : Comment définir ou penser notre humanité ? Avec un numéro de question, ces questions courtes impliquent une réponse courte, des faits et une conclusion avec quelques références bibliographiques.